Cartoucherie française

La cartoucherie Française a été fondée à Survilliers, dans le Val-d’Oise, dans les dépendances d’une ferme désaffectée, en 1903. Une dizaine d’ouvriers et d’ouvrières, un contremaître et un directeur constituaient à l’origine la totalité du personnel dont la tâche la plus ardue fut sans doute d’imposer sur un marché abondamment pourvue d’articles de toutes sortes, en provenance de fournisseurs établis et connus depuis longtemps, un petit nombre de munitions de qualité indiscutée, mais n’offrant qu’un choix restreint. L’enthousiasme de Georges Leroy et de Charles Gabel, fondateurs de la cartoucherie, triompha finalement de tous les obstacles.

Le développement industriel et commercial de la Société se fit progressivement, accompagnés d’augmentations successives du capital, qui permirent l’agrandissement des ateliers existants, la création de nouveaux locaux, la mise en oeuvre de nouvelles machines perfectionnées et la réalisation progressive de très nombreux articles : Munitions de chasse et de tir, emboutissages et cartonnages. En 1910, la Cartoucherie Française bénéficiait déjà d’une solide réputation qu’elle avait acquise dans cette industrie hautement spécialisée. En 1911, après de nombreuses récompenses obtenues de haute lutte aux expositions auxquelles elle avait participé elle fut classée  » Hors Concours  » à l’exposition de Turin, et désignée comme membre du Jury International…

Plus tard, au début du premier conflit mondial, la Cartoucherie Française participa à l’effort de guerre et apporta son concours à la Défense Nationale. Dès la bataille de la Marne, qui la sauva de la destruction ou de l’occupation, et sans interruption pendant quatre ans, elle assura la production massive des articles les plus variés, mis au point dans des conditions exceptionnelles de rapidité. Mais, en juin 1918, la proximité relative du front l’obligea, sur ordre formel du Commandement à s’exiler à Caen, où elle poursuivit sans relâche sa besogne jusqu’à l’Armistice de 1918, dans les locaux de la Pyrotechnie militaire. La Guerre terminée, le solide esprit d’équipe qui régnait à la Cartoucherie Française permit la réinstallation de l’outil de production à Survilliers et la relance rapide des produits destinés au marché civil, démuni des stocks nécessaires à une reprise commerciale.

Entre 1919 et 1939 l’activité commerciale de la Cartoucherie Française continua à croître avec régularité. Les services administratifs et commerciaux rivalisant avec les services techniques fournirent à une clientèle sans cesse grandissante des articles plus performants. L’usine de Survilliers mit également au point de nouvelles fabrications pour les secteurs civil et militaire et c’est en plein développement que les événements de 1940 stoppèrent l’essor de l’entreprise. Pendant quatre longues années les ateliers désertés furent pratiquement abandonnés. L’interdiction de la chasse et du tir, la pénurie de matières premières, le manque d’énergie électrique réduisirent la production de la Cartoucherie Française à tel point qu’elle ne réalisait plus que des tâches d’emboutissage. Ce chômage obligé n’empêcha pas le maintien des cadres et de la maîtrise dans l’espoir d’une reprise rapide à la fin de l’occupation.

A la Libération, la Cartoucherie Française qui avait pu échapper à la réquisition, se développa et profita rapidement de la reprise économique. L’usine s’agrandie, créa de nouveaux ateliers et les bienfaits de la reprise se répercutèrent sur le village où elle était implantée. De nombreux pavillons furent construits pour le personnel en activité, une cantine et une coopérative virent le jour ainsi qu’un service médical et un cabinet dentaire. Une maison de retraite fut construite pour le personnel qui s’était dévoué à la société et des cours d’apprentissage ainsi qu’une bibliothèque permirent à tous les jeunes de s’instruire, de se perfectionner et d’acquérir un métier. Enfin, des aides matérielles furent accordées aux Sociétés sportives et musicales.

Les pouvoirs publics ne pouvaient ignorer de tels efforts dans tous ces domaines : La Croix de la Légion d ‘Honneur fut remise en 1928 à M, Charles Gabel, Administrateur-Délégué et Directeur Technique, et en 1950 au Président Coiffier, qui participa pendant quarante-cinq ans à la vie de la Société et en assura la direction générale pendant vingt ans. Mais s’il put suivre et guider le prodigieux développement de la Société à laquelle il s’était tant dévoué, M, Georges Leroy, le fondateur, mourut en 195l sans pouvoir assister au Cinquantenaire de la firme.

Tout au long de son développement industriel, la Cartoucherie Française absorba plusieurs sociétés : La Maison  » Parent & Leroy  » en 1913 puis la Fabrique de plomb de chasse de la marque  » Tour Saint-Jacques  » en 1922, qui figurait déjà de 1902 à 1913 dans l’apanage de la Maison Parent et Leroy. Enfin, elle prit de nombreux brevets en France et à l’Etranger et en particulier ceux relatifs aux  » Bourres Gabel  » et aux balles  » Francia « . Enfin elle produisit des emboutis de toutes sortes pour la radio, l’électricité, l’automobile et également des cartonnages divers et emballages pharmaceutiques et industriels. L’activité de fabrication fut complétée par une intense activité commerciale.

La Cartoucherie Française a entretenu de solides relations d’amitié et d’intérêt avec de nombreuses firmes européennes, tout en conservant une totale indépendance. Elle s’assura auprès de l’I.C.I., la fabrication sous licence exclusive pour la France et l’Union Française, des douilles de chasse et bourres pneumatiques de marque  » Eley « , De même, elle fut, dès sa création, agent général pour la France et l’Union Française de la firme belge  » Fabrique Nationale d’Armes de Guerre d’Herstal  » et elle assura en exclusivité la vente des armes  » Browning  » et  » FN  » de cette firme de réputation mondiale. En outre elle fournit des pistolets d’abatage Matador, dont les charges propulsives ainsi que celles pour marteaux à scellement furent fabriquées dans ses ateliers, des graisses et huiles, des pigeons d’argile et des lance-pigeons.

par Jean-Pierre BASTIE