N°17 _ Le Centenaire – Le révolver Mangeot Comblain

Le Centenaire

Il y a plus de cent ans, le premier anniversaire de la Révolution française donna l’idée à quelques artisans ingénieux de récupérer à leur compte les symboles de cet événement qui changea la face du monde.

En ces temps difficiles où l’insécurité obsédait déjà les habitants des grandes citées, de nombreux armuriers avait développé des armes de poches combinées, propres à défendre les quidams contre les voyous dont les exploits défrayaient la chronique. Mais pour lutter efficacement contre les « apaches » parisiens et autres escarpes, un ingénieux bricoleur eut l’idée de combiner un pistolet et un coup-de-poing américain. Profitant du centième anniversaire de la prise de la Bastille, notre homme baptisa son arme du nom de « Centenaire ». Comparé aux armes de Dolne et de Delhaxe, le « Centenaire » fait figure de parent pauvre, mais son nom aux accents patriotiques dû compenser, sur le territoire français, son manque d’effet vulnérant.

Wahl’s Patent

L’épopée des armes anciennes est jalonnée de noms d’illustres inconnus qui n’ont laissés pour trace, que leur patronyme gravé dans le métal des armes nées de leur imagination. C’est le cas de ce fameux Wahl qui signa quelques uns de ces « Centenaire » de ces simples mots: Wahl’s Patent. Les archives de l’armurerie européenne ne comptent, à ce jour, que deux Wahl. Citoyens hélvétiques, ayant exercés entre 1868 et 1880. Ces hommes qui signaient leurs armes : Wahl-Knechtli et Wahl & Aemmer n’ont sans doute aucun rapport avec cette étrange « pétoire ».

En tant qu’arme, le pistolet a lui seul n’a rien de bien redoutable, ce n’est en fait qu’une sorte de « cycliste » à un coup. Long de 105 mm pour une hauteur de 70 mm, cet étrange pistolet pèse environ 150 grammes. Le canon lisse, foré au calibre 22, mesure 68 mm de long et peut tirer divers types de munitions, à balle, à grenaille ou à blanc. C’est un simple tube, ouvert aux deux bouts, dans lequel on à foré à l’arrière la « chambre ». L’obturation est des plus sommaire puisque seule la tête du chien, bloque l’arrière de chambre au départ du coup. La platine, d’un simplicité extrême, est logée sous la plaque de recouvrement. Elle est constituée que de quatre éléments: Le chien, qui porte la gâchette; la queue de détente et les deux ressorts qui assurent, dans un même temps, l’armement du chien et l’avancée de la queue de détente en position de tir. Le pistolet fonctionne en simple action et l’éjection de l’étui est tributaire d’un outil quelconque introduit dans le canon pour repousser la douille vers l’arrière.

Les marquages

Ils constituent l’argument de vente majeur de cette arme « commémorative ». Le numéro du pistolet est gravé au dos de la plaque de recouvrement, sur le chien et sur la carcasse. La plaque qui recouvre la platine porte à la fois le nom du pistolet, la date anniversaire et l’adresse du marchand:

« LE CENTENAIRE » COUP DE POING PISTOLET Bte SGDG FRANCE – AMERIQUE 1789-1889 1789- 1889 DEPOT DE PARIS 5 Bd DE STRASBOURG

D’autres pistolets ne portent que la mention Wahl’s Patent. Enfin, le pistolet en boîte présenté dans cet article porte pour tout marquage la mention:

LE CENTENAIRE

Le coffret

Livré dans une petite boîte de carton, fermée par un clip métallique, le « Centenaire » est déjà visible avant même d’ouvrir son écrin puisque l’étiquette qui recouvre le couvercle ne cache rien de son contenu. La boite qui mesure 170 mm de long sur 115 mm de large contient de nombreux trésors: Un pistolet, muni de son « impressionnant » coup de poing, et une grande variété de cartouches de 22 réservée à bien des usages… Le dos du couvercle reçoit pour sa par une étiquette soigneusement collée, reprenant les diverses phases de la manipulation de l’arme.

Un bien étrange pistolet

De prime abord, le « Centenaire » ne semble pas bien redoutable. C’est sans doute son principal défaut, surtout face à un voyou déterminé tel qu’on en rencontrait dans ruelles des grandes villes à la fin du siècle dernier. Quelques durent pourtant faire les frais de son aspect anodin, car une balle de 22, même tirée dans le canon d’un « Centenaire » peut blesser gravement son homme à bout portant.

Il est difficile de dire aujourd’hui combien de « Centenaire » furent mis sur le marché, dans le courant des années 1880. Quelques centaines sans doute, à moins que leur prix, attractif à l’époque, ait détourné les acheteurs d’armes de défense moins clinquantes, mais de meilleure qualité. En tout état de cause, l’idée devait être assez bonne puisque quarante ans plus tard, on vit réapparaître cette arme, en laiton cette fois et affublée de l’inscription LE POILU 14-18.

par Jean-Pierre BASTIE


Le révolver Mangeot Comblain

Henri Mangeot Arquebusier de la cour à Bruxelles, célèbre pour son traité du fusil de chasse paru en 1852, créa pour sa clientèle un revolver luxueux breveté par Hubert Joseph Comblain. Membre de plusieurs académies scientifiques, H. Mangeot jouit à la cour de Bruxelles d’une excellente réputation. Sa clientèle comprend outre la cour, des officiers belges, des industriels wallons et de nombreux aventuriers mondains. Ils proposent de nombreux fusils mais aussi des coffrets de duel et des revolvers. Il achète ces derniers à Liège et assure une finition hors pair dans son atelier bruxellois. Mangeot désire offrir à sa clientèle un revolver moderne de son cru. Il achète pour ce faire les brevets de H J Comblain. Certains auteurs parlent d’association des deux hommes et de revolvers Mangeot – Comblain. Cependant ce dernier ne reprendra pas le magasin de Mangeot à la mort de ce dernier survenue en 1860.

Hubert Joseph Comblain

Comblain est plus un inventeur qu’un industriel. La plupart des armes qu’il fait breveter sont construit par d’autres armuriers. En 1832, il rentre en apprentissage à Liège. Doué il est remarqué par plusieurs armuriers qui lui offre la possibilité d’entreprendre des travaux personnels. En 1840 il dépose une série de brevets couvrant ses premières poivrières. L’armurier Leport lui achète ces brevets. Il exporte une grande partie de sa production vers le Brésil. Ce pays restera un bon client de la Belgique et de Comblain en particulier. En 1854 notre inventeur passe à l’étape suivante avec un revolver à percussion. C’est H Mangeot qui commercialise en premier cette invention. Cette arme est protégée par deux brevets. Le premier porte sur une sûreté de chien et de détente, le second sur une platine double action pourvu d’une sûreté de chien qui sera reprise sur beaucoup de revolvers. Mangeot exploite ces deux brevets sur son revolver. H J Comblain poursuit ses travaux sur les armes de poing en brevetant une  » portière-extracteur  » originale pour les armes à broche. En 1867, le Royaume de Belgique cherche à améliorer ses fusils réglementaires à percussion à chargement par la bouche. La solution de transformer les fusils existants au chargement par la culasse est retenue par mesure d’économie. Plusieurs armuriers proposent leurs solutions : Albini et Braendlin, le général Tersen et Comblain. Ce dernier voit son fusil rejeté par l’armée mais adopté par la Garde Civique. Il se compose d’un bloc culasse articulé vers l’arrière, manoeuvré par un levier latéral qui commande également l’armé du chien. On désigne ce fusil sous le nom de Comblain I. Il donne du travail à tout le bassin liégeois. Le Comblain II est une arme radicalement différente adoptée le 26 Mars 1871 par la Garde Civique. Elle se caractérise par une culasse mobile à tiroir, mue par un pontet, faisant office de levier de sous garde. L’arme est adoptée par le Chili, le Pérou et le Brésil. L’armée Belge l’adopte en 1881 et la carabine en 1883. Jusqu’à la fin de sa vie en 1877 Hubert Joseph Comblain se consacre à l’amélioration de son fusil. Ses armes fabriquées en grandes quantités par différents armuriers liégeois sont toujours marquées système ou brevet Comblain.

Les brevets Comblain pour révolver percussion

Les contrats qui lient l’inventeur Comblain aux armuriers et aux armureries sont complexes. Nous sommes en Belgique pays réputé pour ses copies. La Loi autorise les copies des armes étrangères et belges du moment que le brevet déposé n’est pas exploité en Belgique, dans les deux ans. Naturellement pour que cette disposition ne s’applique pas les industriels étrangers doivent trouver un agent en Belgique. Notre inventeur doit lui aussi trouver un fabriquant qui industrialise ses produits. C’est le cas avec Leport pour les poivrières, avec le Petit syndicat de Liège pour le Comblain II et avec Henri Mangeot pour le revolver. Mangeot exerce son activité à Bruxelles à partir de l’année 1845. Il disparaît en 1860. Les revolvers à broche marqués  » système Comblain  » ne porteront pas son nom. Ces revolvers de fabrication liégeoise sont attribués à différents armuriers travaillant à façons pour des courtiers. Les brevets datant de 1854 nous pouvons considérer que ce revolver fut fabriqué pendant cinq années, ce qui en fait une arme rare. En fait Mangeot vise une clientèle restreinte et fortuné, intéressée par une arme de défense moderne et fiable. Le design du revolver est original et la finition parfaite.

Le révolver Mangeot

L’arme à carcasse ouverte est entièrement gravée de volutes au motif de feuillage. On retrouve cette gravure sur le barillet. La carcasse renferme une platine double action breveté par Comblain. Son armature se prolonge pour assujettir une crosse en ronce de noyer de première qualité et terminée par une sculpture en étoile. Le pontet se visse sur la sous garde. Il reçoit le dispositif de sûreté de Comblain. Une lame ressort qui bloque la détente au repos comme en position armée. Le tireur peut utiliser son revolver en simple action. Le canon se visse sur la carcasse en deux points. Le premier via la console inférieure, le deuxième via l’axe du barillet. Cet axe traverse la carcasse et se trouve maintenu au canon par une vis à bouton. Cet ensemble renforce la solidité du revolver. Le canon octogonal porte un cran de mire, un guidon monté sur queue d’aronde et un refouloir. Se dernier s’articule autour d’une vis. Cette pièce semble un peu faible bien qu’en acier. Le canon porte sur son dos le marquage suivant :  » H Mangeot ARQ de la Cour à Bruxelles « . Sur le renfort, côté gauche sur trois lignes en ovale on trouve : Mangeot BREVETE Comblain. Le barillet foré de cinq chambres offre de solide remparts. L’espacement entre eux autorise le placement des capsules sans difficulté. Le revolver tire des balles de 11 mm environ et se veut une arme de guerre de luxe. L’arme toute en acier offre une finition parfaite.

La mise en œuvre

La platine double action est assez fluide. Un sûreté manuelle est montée au sommet de la carcasse. En la tournant elle bloque le chien par un épaulement fraisé sur ce dernier. Cette disposition autorise le transport comme les manœuvres de rechargement en toute sécurité. Le ressort sur le pontet est utiliser soit pour bloquer la détente en position neutre soit en position armée. Ce dispositif est destiné au tir de précision. L’arme tire ainsi en simple action. Il nous semble peu fiable. Nous avons aujourd’hui grand mal à le mettre en œuvre et de plus il tient mal. Apparemment le ressort est un peu fatigué. A l’époque il pouvait intéresser les clients qui s’exerçaient régulièrement au tir. En 1854 les tenants de la double action se heurtaient à ceux de la simple action. Examinons le Mangeot dans ce contexte. En simple action la pression à exercer sur la détente est plus faible et la précision en devient meilleure. Par contre le tir est plus lent et nécessite l’action de deux doigts, un pour le chien plus un pour la détente. En double action la pression à exercer sur la détente est plus forte et la précision en devient plus aléatoire. Par contre la rapidité de tir est bien meilleure et l’arme est plus maniable à bout portant. Les platines double et simple action combinent les deux avantages, mais en double action la détente est très dure de l’ordre de 9 kg. En effet l’action du doigt sur la détente doit faire tourner le barillet et armer le chien. La double action seule plus facile a usiner reste moins dure. Tranter en Angleterre, North aux USA comme Mangeot en Belgique proposent une solution intermédiaire en découplant la rotation du barillet et l’armement du chien de son lâché. Seule la solution de William Tranter connaît un succès certain avec sa double détente. Le North Savage bénéficie de la guerre de sécession pour obtenir des marchés importants avec une double détente compliquée. Le Mangeot offre tout au plus un gadget dont la valeur militaire est nulle. Par contre au stand de tir ce dispositif peut être remarquable sans toutefois valoir un classique mécanisme en simple action..

Le revolver Mangeot Comblain offre des innovations certaines dans le domaine du revolver double action. Henri Mangeot apporte une touche de raffinement à l’arme. Elle s’adresse à une clientèle aisée, qui tout en appréciant ce revolver pour sa finition et son efficacité comme arme de défense, peut pratiquer du tir sportif. Un revolver de gentleman en quelque sorte.

par Daniel CASANOVA