N°18 _ Le révolver Novo – Le révolver Loron à broche

Le révolver Novo

En 1905 le nouveau Galand, ou plutôt le Galand Novo voit le jour. Cette arme qui apparaît sur le marché, un an à peine avant l’arrivée du « Baby » Browning, est un véritable anachronisme.

Le Novo

Cette arme présentée comme un nouveauté n’est qu’une version réduite des anciens revolvers à clef de la firme. Long de 85 mm pour un poids de 160 grammes, ce revolver est tout d’abord chambrée en 5,5 mm. C’est dans ce calibre qu’on la rencontre dans les catalogues de la maison Galand et de la Manufacture Française d’Armes et de Cycles de Saint Etienne, au début du siècle. Comme la plupart des modèles à clef, vendus chez Galand à la fin du XIXème siècle, le Novo peut se divise en trois sous-ensembles: Le canon, la carcasse et le barillet. Le canon mesure 29 mm de long et fait corps avec la console. Cette dernière est percée pour recevoir l’extrémité de l’axe du barillet. un petit guidon, en demi-lune, est monté en retrait de la bouche. Le barillet alvéolé se rencontre en plusieurs versions, à cannelures ouvertes ou fermées. Les armes du premier type ont de longues encoches de verrouillage, sur l’arrière du cylindre; celles qui appartiennent au second type, portent des encoches plus courtes. La carcasse est réduite à sa plus simple expression. Elle renferme une platine à double action et un chien interne mis en œuvre par une détente repliable. Une plaque de recouvrement, placée sur la gauche, permet d’accéder au mécanisme. L’axe du barillet, solidaire de la carcasse, assure non seulement son rôle propre, mais il porte de surcroît l’encoche dans laquelle se verrouille l’axe de la clef d’ouverture. Pièce maîtresse de cette arme à carcasse ouverye, cet axe est aussi sa faiblesse. Un tel système ne peut résister longtemps à des tirs répétés, et si le problème reste anecdotique sur les premiers Novo chambrés pour la cartouche de 5,5 mm, il devient vite ennuyeux sur les modèles suivants chambrés pour la cartouche de 6,35 Browning. La véritable nouveauté introduite sur cette arme, se trouve en arrière de la carcasse. Il s’agit de la crosse formée d’une forte pièce de laiton, dorée ou argentée, pliée en forme de gouttière et montée à pivot sur l’arrière de la carcasse. Un ingénieux système de verrouillage permet de la déployer pour le tir et de la replier sous la carcasse pour diminuer l’encombrement du revolver. C’est à Dieudonné Oury, armurier belge résidant à Mortier, que l’on doit l’invention de la crosse pliante du Novo. Cet homme, peu connu des amateurs, a pourtant créé plusieurs modèles d’armes de poche entre 1900 et 1920. On trouve régulièrement son nom dans les nombreux catalogues de détaillants franco-belges du début du siècle.

Une nouvelle version

Au début du Xxème siècle, pour le rédacteur du catalogue de la « Manu », pas de doute le Novo est un must en matière de modernité: « Le NOVO replié sur sa crosse se dissimule entièrement dans la poche du gilet où il est à peine perceptible, sa forme originale arrondie sans aucune aspérité extérieure, en font l’arme idéale de poche très pratique pour la ville, thêatre, soirées… » Le catalogue Galand reste plus réservé, et n’insiste que sur la taille réduite et l’ingéniosité du système de crosse repliable. En fait, en 1906, le Novo est déjà en retard de vingt ans. Le tout nouveau Browning en calibre 6,35 mm, est plus plat, plus facile à dissimuler mais surtout plus puissant que le Novo. Afin de surmonter ce handicap, la maison Galand introduit rapidement une nouvelle versions chambrée en 6,35 mm. L’arme y gagne en puissance mais les opérations de chargement et de déchargement sont toujours aussi lentes. Pour charger le Novo, il faut basculer la clef latérale vers le haut, ôter le canon et le barillet, avant d’approvisionner ce dernier. On replace ensuite le barillet chargé sur son axe avant de replacer le canon et de verrouiller l’ensemble en abaissant la clef. Ajoutez à cela que le Novo n’a pas d’extracteur, on comprend mieux l’inquiétude des fabricants face à l’arrivée des premiers « automatiques », car la maison Galand , si elle est bien à l’origine de la commercialisation du Novo, doit bientôt faire face à une vive concurrence.

Variantes ou copies

Au début du siècle, la plupart des armuriers français sous-traitent avec la Belgique les armes de poings qu’ils proposent à leur clientèle. La maison Galand n’échappe pas à la règle, et comme la fabrication des revolvers à clef est dans le domaine public depuis des lustres, les sous-traitants de Galand ne tardent pas à produire le Novo pour leur propre compte. Ces armes, plus ou moins proches du modèle d’origine, restent malgré tout de bonne qualité. La firme liégeoise H.D.H. propose deux versions, équipées de verrous de poignée et de barillets différents. A Liège toujours, la fabrique d’armes A. Godefroid, dirigée par J. Lejeune-Fauvé, propose en 1908 un Novo à 40 F. Chez Ancion-Marx, « Le Novo » est jaspé, mais la poignée reste en métal doré ou argenté. L’arme, chambrée en 6,35 Browning, est vendue 36,50 F en 1909. Beaucoup d’autres fabricants belges ont produits ou vendu des Novo sous leurs marques. La plupart de ces armes portent la mention D.D. Oury Breveté.

Les marquages

Ils sont variables d’un modèle à l’autre. Les Novo de la maison Galand sont reconnaissables d’emblée grâce aux marquages de la poignée. La gauche de la crosse est marquée NOVO alors que la droite porte le nom de Galand. Chez H.D.H. le nom de la firme est apposé sur le revolver, qui porte par ailleurs la mention NOVO de part et d’autre de la crosse. Une partie des Novo de la firme Henrion, Dassy & Heuschen, destinée à l’exportation vers des pays de culture hispanique est marquée en surcharge « Nuevo Modelo ». La version vendue par Ancion-Marx porte en toute lettres sur la poignée la mention LE NOVO, et l’arme vendue par la fabrique d’armes A. Godefroid, est dépourvue de marquage de crosse. Les modèles vendus au début du siècle par la « Manu » sont marqués NOVO sur la gauche de la poignée et 1905, sur la droite. La plupart des exemplaires examinés, portent sur la droite de la carcasse, du canon et sur le barillet les poinçons d’épreuves de Liége. Sur la carcasse, à droite, figure la mention du calibre et à gauche le marquage:

D.D. OURY Bte

Conçu par Oury, le Novo fut surtout fabriqué dans les ateliers de Derkenne à Mortier. Contrairement à la plupart des armes « à système » vendues au début du siècle le revolver Novo chambré en 6,35 mm pouvait être, à courte distance, une arme de défense redoutable.

par Jean-Pierre BASTIE


Le révolver Loron à broche

Pierre Antoine Loron s’établi au 24 rue des bons enfants à Versailles en 1843. Originaire de Cheratte, dans la banlieue de Liège, l’homme est un inventeur. On lui doit un fusil hammerless, breveté le 4 janvier 1847 et un pistolet de salon (brevet du 18 août 1854). Il participe aux expositions de Paris de 1844, 49 et 55. Cependant sa situation financière ne semble pas lui convenir et il rejoint la Belgique en 1856 où il dépose 11 brevets jusqu’en 1880. Son fils Calixte Henri, né à Versailles en 1843, après son apprentissage à Cheratte, poursuit sa formation à saint Etienne. Il s’établit dans cette ville où il signe ses réalisations  » Loron & Cie « . Il s’y marie en 1872. Il semble que le fils commercialisait les armes de son père en France.

Premier modèle à percussion

A la fin des années 1850, apparaît une arme à percussion qui possède déjà l’allure et les caractéristiques du futur revolver à broche. Ce Loron possède une cage de barillet et six cheminées montées sur un barillet plein. La carcasse se divise en deux parties sous l’action du levier de démontage placé sur le côté droit. Le canon ainsi que son renfort supérieur glisse vers l’avant libérant le barillet. Un levier refouloir articulé horizontalement et placé sous le canon permet le chargement. Le calibre est de 11 mm et la platine à simple action. Ce revolver construit en petite quantité arrive déjà trop tard sur le marché français. La concurrence avec les revolvers anglais est rude. Les militaires qui ont apprécié en Crimée les revolvers Adams ou Colt penchent pour ceux-ci et les marins pour le Lefaucheux. Dans les années 1860 Pierre Antoine et Calixte Henri sont convaincu du succès en France des armes à broche. Le père décide de transformer son revolver pour cette cartouche et le fils doit se charger de commercialiser l’arme en France depuis Saint Etienne.

Le modèle à broche

En 1865 Pierre Antoine Loron brevette son nouveau revolver à broche à Liège. L’arme est bien finie avec gravures et bronzage bleu profond. La carcasse est en acier, d’une seule pièce, et gravée de volutes. Elle forme une armature de poignée à l’angle prononcé. Les plaquettes en noyer sont maintenues par des vis et rosettes guillochées. Un pontet ovale et un rempart circulaire complète cette carcasse. Le canon de forme octogonale et muni d’une large console glisse sur l’axe du barillet. Un levier assure son verrouillage. Le canon porte des organes de visée très hauts pour permettre le tir de précision en simple action. Le barillet foré de six chambres pour la 12 mm à broche, est lui aussi gravé de volute de feuillage. Il porte six crans triangulaires en plus des six encoches pour le passage des broches. La platine fonctionne en simple et double action.

Le système Loron

Le chargement s’effectue en pivotant le levier de verrouillage vers l’arrière. Le tireur tire ensuite le canon qui glisse en se séparant du barillet. Il suffit d’introduire les cartouches. En cas d’extraction difficile on peut utiliser le levier à cet usage. Côté gauche, en haut sur la console du canon, on trouve gravée l’inscription Loron Breveté sur deux lignes.

Les variantes

Loron va produire ses armes en calibre 12, 9 et 7 mm à broche en version double et simple action ainsi qu’en double action seule munie, d’un chien sans crête. Les armes en 9 et 7 mm à broche se caractérisent par l’absence de pontet et une détente rabattable. Par rapport au Lefaucheux, le Loron offre un système de rechargement plus rapide. Cependant son manque de solidité pour une arme de gros calibre le privait de la clientèle militaire. La finition de qualité du revolver présenté le destine au marché civil. En 1880, le décès du père entraîne la cessation de l’activité du fils.

En collection

Le revolver Loron se présente comme des concurrents du revolver Lefaucheux. Il témoigne de la vitalité du marché de l’époque face à l’avènement du revolver à broche. Sur le plan pratique le revolver Loron reste fonctionnel mais son coût le destine à une clientèle fortunée. Une vocation que l’on retrouve dans sa finition comme dans sa rareté actuelle.

par Daniel CASANOVA