N°14 _ Le Protector de Turbiaux – Le Pistolet Bernardon-Martin

Le Protector de Turbiaux

En juin 1882 Jacques-Edmond Turbiaux, inventeur à ses heures, dépose pour la France un brevet destiné à protéger un tout nouveau revolver de poche, à cartouches métalliques, à magasin radial. Soucieux de préserver ses intérêts, il étend la protection de son invention à la Grande-Bretagne puis à l’Italie et à la Belgique. Un an plus tard, le 6 mars 1883, c’est aux États-Unis qu’avec une rare clairvoyance il dépose le brevet n° 273644, bientôt racheté par un certain Finnegan.

Le Protector

Etrange autant qu’innovant, le revolver de Turbiaux commercialisé sous le nom de Protector est une arme plate et élégante, qui n’évoque en rien un revolver classique. Long de 112 mm pour une épaisseur de 18 mm et un poids de 260 grammes, c’est une véritable arme de poche, destinée à être portée en toutes circonstances. Vissé au boîtier, en regard de la pédale de détente, le canon est dépourvu d’organes de visée. Long de 38 mm, cylindrique au tonnerre, octogonal ensuite et cylindrique encore dans sa partie terminale, il est rayé et tire une cartouche de calibre 6 ou 8 mm. Le boîtier, d’un diamètre de 52 mm, protège le mécanisme et le magasin. Il se cale dans la paume de la main, et les deux protubérances placées de part et d’autre du canon, assurent une excellente prise en main. Les faces latérales du boîtier sont en ébonite et portent en leur centre un disque métallique où sont gravés la plupart des marquages, on peut y lire :

SYSTÈME E TURBIAUX. PARIS.

LE PROTECTOR Bte S.G.D.G. EN FRANCE ET A L’ETRANGER.

On accède au magasin en faisant pivoter vers le haut la plaque de recouvrement circulaire qui protège le  » barillet  » . La plaque enlevée, il ne reste plus qu’à retourner le Protector tout en appuyant sur la pédale, l’arme étant à la sûreté, pour que le magasin tombe de lui-même. C’est un anneau de métal foré de 7 à 10 chambres, suivant le calibre, lisse sur le côté qui fait face à la plaque de recouvrement et dont la face opposée porte le rocher d’entraînement. C’est, par la partie évidée au centre, que l’on introduit les cartouches dans cet étrange barillet. Le culot des cartouches se trouve alors à l’intérieur et les ogives pointent en périphérie. Il n’existe aucun système d’extraction, et les opérations de chargement et de déchargement doivent être effectuées manuellement. Une pédale articulée, placée sur l’arrière du boîtier fait office de détente. Il suffit de presser l’arme dans la main, pour que la poignée entraîne la rotation du magasin et lance le percuteur placé au centre du boîtier. Sur la tranche supérieure se trouve la sûreté manuelle qui se rabat en arrière pour condamner l’action de la détente. Lorsque l’arme est à la sûreté, une pièce d’acier vient fermer le passage de l’ergot rivé sur la poignée, interdisant ainsi toute action de la détente.

Du Protector au Palm Protector

Pendant qu’en France le Protector, encensé par la presse, débute une carrière prometteuse, outre-Atlantique le futur « Palm Protector » connaît un tout autre destin. C’est la « Minneapolis Fire Arms Co » qui commercialise la première le  » revolver  » de Turbiaux aux États-Unis. Fabriqué pour la firme Duckworth à Springfield, il garde du Protector l’allure générale, seuls, le calibre qui passe du 6 mm au 32 extra short et la capacité du magasin vont changer. Change aussi la qualité de fabrication, et très tôt, de nombreuses armes sont retournées à l’usine par leurs propriétaires, déçus par leur manque de fiabilité. A cette époque, P .-H. Finnegan travaille pour la  » Minneapolis Fire Arms Co  » comme agent commercial. Il décide alors de racheter le brevet de Turbiaux pour l’Amérique, ainsi que le matériel de son ancien employeur pour fabriquer ses propres Protectors. Il s’installe à Chicago en Illinois, et fonde la « Chicago Fire Arms Co », c’est la « Ames Sword Co » du Massachusset qui fabriquera les armes pour Finnegan. Elle s’engage alors à produire 25.000 Protectors. Des améliorations notables vont être apportées au modèle initial et après quelques mois, et cinq brevets supplémentaires, le nouveau » Palm Proctector » voit le jour. Plus lourd et plus encombrant que le modèle de la Minneapolis Fire Arms Co, il est aussi plus solide et remportera en Amérique un succès d’estime…

Mais l’histoire ne s’arrête pas là, car sur les 25.000 armes commandées, la « Ames Sword Co « , ne pourra en livrer que 1.500. Dès lors, commence une bataille juridique dans laquelle toutes les sociétés américaines précédemment citées vont se livrer une lutte sans merci. Au bout du compte, la  » Ames Sword C°  » se voit dans l’obligation de racheter tous les brevets de la  » Chicago Fire Arms C°  » de Finnegan. Contrainte et forcée, elle commercialisera dès lors pour son propre compte et sans réel enthousiasme, un  » Protector  » dont elle se serait bien passée.

Desservi par une puissance de feu marginale et un emploi délicat, le Protector marquera malgré tout son époque. Aux Etats-Unis, où il connaîtra un intérêt tardif, il sera commercialisé jusqu’en 1910. En France, il disparaîtra avant la fin du XIXème siècle, détrôné par le célèbre Gaulois de la Manufacture d’Armes et de cycles de Saint-Etienne.

Le PROTECTOR

Calibre6 à 8 mm
Capacité7 à 10 coups
Longueur112 mm
Canon38 mm
Poids260 grammes
FinitionNickelé

par Jean-Pierre BASTIE


Le Pistolet Bernadon-Martin

Au début du XXème siècle, les premiers pistolets semi-automatique font parler d’eux. La FN en Belgique et la DWM en Allemagne conquièrent leurs premiers marchés militaires. En France, il n’existe que le brevet des frères Clair. Un armurier stéphanois du nom de Thomas Martin, relève le défit et dépose le 25 novembre 1905 un premier brevet concernant un pistolet semi-automatique. L’homme tient une boutique rue Dubois. Depuis les frères Clair en 1888, les idées ont progressé et Etienne Bernardon, installé rue Rolland à Saint Etienne, comme marchand d’armes, flaire la bonne affaire. Etienne Bernardon propose une association à notre armurier et apporte les capitaux nécessaire. Les deux hommes déposent le 25 mars 1906 un second brevet pour un chargeur en forme de fer à cheval, capable d’assurer une puissance de feu de vingt coups. Le 17 janvier 1907, ils déposent leur brevet en Angleterre. Cette même année voit l’apparition de leur premier modèle.

Le premier modèle Bernardon Martin 1907

Au début du XXème siècle, les premiers pistolets semi-automatique font parler d’eux. La FN en Belgique et la DWM en Allemagne conquièrent leurs premiers marchés militaires. En France, il n’existe que le brevet des frères Clair. Un armurier stéphanois du nom de Thomas Martin, relève le défit et dépose le 25 novembre 1905 un premier brevet concernant un pistolet semi-automatique. L’homme tient une boutique rue Dubois. Depuis les frères Clair en 1888, les idées ont progressé et Etienne Bernardon, installé rue Rolland à Saint Etienne, comme marchand d’armes, flaire la bonne affaire. Etienne Bernardon propose une association à notre armurier et apporte les capitaux nécessaire. Les deux hommes déposent le 25 mars 1906 un second brevet pour un chargeur en forme de fer à cheval, capable d’assurer une puissance de feu de vingt coups. Le 17 janvier 1907, ils déposent leur brevet en Angleterre. Cette même année voit l’apparition de leur premier modèle.

Le deuxième modèle Bernardon 1909

Ce deuxième modèle que nous vous présentons aujourd’hui ne manque pas de charme. Plus carré, il apparaît comme futuriste pour son époque. Le profil externe du canon d’aspect tronconique et le guidon rectangulaire donne une certaine agressivité à ce pistolet. La visserie trop apparente dénote l’archaïsme du montage qui fait la joie aujourd’hui du collectionneur. Les cannelures sont larges et le pontet agrandit. En avant de ce dernier se trouve un curieux arrêtoir de culasse pour faciliter le nettoyage. La pièce se presse comme une détente pour bloquer la glissière en position ouverte. Deux vis assurent la liaison entre la fourche et le ressort de rappel. Une pédale de sûreté montée sur la face avant sous le pontet vient palier la légèreté de la sûreté manuelle. Dans le brevet initial Thomas Martin la nomme « sûreté à double cran « . Un bouton assure le maintien du chargeur. Le pistolet est agréable en main et d’un fonctionnement parfait presque cent ans plus tard !

Les marquages

Sur le dessus de la culasse : le monogramme B&M Côté gauche de la glissière : SYSTEME BERNARDON Il semble que par ces nouveaux brevets, Etienne Bernardon ait prit seul la direction des affaires. Cependant les plaquettes portent toujours le monogramme B & M ? Côté droit de la glissière : BREVETE SGDG Sur le canon, côté gauche : CAL 7,65 Sur la carcasse, en lettres d’or, Lapertot à droite et St Etienne à gauche. Lapertot, armurier revendeur, travaille à St Etienne et signe ce pistolet à la finition exemplaire. Cette pratique courante permet aux armuriers revendeurs de soigner leur clientèle (et leur marge bénéficiaire) en assurant le client sur la qualité de leurs produits. Par ailleurs le pistolet Bernardon fut aussi commercialisé sous le nom de « hermetic « .

Un échec commercial

Etienne Bernardon a investi toutes ses liquidités dans l’affaire et le retour en investissement se fait attendre. Son pistolet est cher, plus cher que les Browning qui connaissent un succès grandissant, appuyés par une forte publicité. De plus la faible capacité de production n’intéresse pas les grands distributeurs comme la Manufacture Française d’Armes et de Cycles de Saint Etienne. Seuls quelques armuriers lui achètent des pièces, comme Lapertot, pour les vendre à une clientèle sélectionnée. Vers 1912, Bernardon met la clef sous la porte.

Le troisième modèle Hermetic 1912

Etienne Bernardon a investi toutes ses liquidités dans l’affaire et le retour en investissement se fait attendre. Son pistolet est cher, plus cher que les Browning qui connaissent un succès grandissant, appuyés par une forte publicité. De plus la faible capacité de production n’intéresse pas les grands distributeurs comme la Manufacture Française d’Armes et de Cycles de Saint Etienne. Seuls quelques armuriers lui achètent des pièces, comme Lapertot, pour les vendre à une clientèle sélectionnée. Vers 1912, Bernardon met la clef sous la porte.

par Daniel CASANOVA