N°20 _ Le révolver Dumonthier – Le révolver Smith & Wesson mdl n°3 Australian type

Le révolver Dumonthier

Arrivé de Houdan vers 1840 Joseph Célestin Dumonthier tient boutique à Paris pendant près d’un demi-siècle dans un domaine qui lui est propre, celui des armes combinées. De 1840 à 1872, il dépose une dizaine de brevets portant sur la réalisation de cannes armées : Cannes-fusils, canne-sarbacane, mais aussi couteaux-pistolets et poignards-revolvers. Il a l’art de combiner avec bonheur des armes de grande qualité et de réussir là où tant de ses prédécesseurs ont échoués. Ses armes sont belles, mais surtout fonctionnelles et d’une redoutable efficacité. Son ascension sociale va de paire avec l’accroissement de sa fortune. On lui connaît plusieurs adresses successives. En 1850, il tient boutique rue Saint-Martin, en 1870 on le retrouve au 79 faubourg Saint-Martin et après avoir créé une usine à Sailleville, qui produit des pièces pour l’export, il s’installe au 23 de la rue des petits Hôtels vers 1890. Sa marque, déposé en février 1867, représente les lettres E et L accolées. Malgré le succès qu’il rencontre dans son domaine particulier, Dumonthier sait qu’il doit se diversifier. Sous le Second Empire, le revolver à broche inventé par Eugène Lefaucheux est à son apogée, mais l’armurier de la rue de Vivienne a déposé brevets sur brevets et contraint la profession à s’exprimer dans des domaines où elle avait encore les coudées franches. Cette nécessité d’innover pour contourner le maître brevet de Lefaucheux, va donner naissance à une nouvelle génération d’armes de poing à système. L’essentiel étant protégé par les brevets de Lefaucheux, c’est par des détails touchant aux modes de verrouillage, aux systèmes de sécurité ou de d’extraction que ses concurrents vont parvenir à imposer leurs propres systèmes.

Le révolver Dumonthier

Lorsque Dumonthier quitte ses chères armes combinées pour se pencher sur la création d’un nouveau revolver à broches il lui reste bien peu de place pour s’exprimer. Lefaucheux et quelques autres semblent déjà avoir fait le tour de la question. Degueldre, Loron et Javelle ont défriché le terrain de l’ouverture et du démontage des armes de poing. Chaineux à poussé la capacité des barillets jusqu’à la démesure, quant à Lefaucheux il règne en maître sur la double et triple action. D’innombrables brevets couvrent déjà la plupart des systèmes de sécurité que l’on peut trouver sur un revolver à broches. C’est pourtant par un système de sécurité original associé à une poignée monobloc que Dumonthier va se démarquer de la concurrence. Le revolver à broches créé par Dumonthier est un classique du genre. Il est monté à cadre ouvert, muni d’une baguette d’éjection latérale et fonctionne en simple et double action. Il pourrait ressembler à n’importe quel revolver à broches si sa poignée monobloc au busc très marqué, n’apportait une touche originale à l’ensemble. Cette poignée, caractéristique des revolvers Dumonthier est souvent taillée dans une loupe de noyer, aux reflets chatoyants, sur les armes de qualité. L’anneau de calotte installé sous la crosse verrouille la poignée. Il permet la dépose rapide de la crosse et d’accéder au grand ressort à lame, élément moteur du mécanisme de percussion La portière de chargement est une autre originalité signée Dumonthier. Elle s’articule sur le haut de la carcasse et s’ouvre en basculant vers l’arrière. Un petit coin métallique, solidaire de la portière, se déplace sur le même plan. Lorsque la portière est relevée, dévoilant les chambres du barillet, la pièce de sécurité vient s’intercaler entre le chien et la carcasse. Le barillet peut pivoter librement et les broches des cartouches sont à l’abri d’une percussion accidentelle. Lorsqu’elle est rabattue vers en bas, la portière se bloque dans le cran du ressort logé sur la droite de la carcasse. La pièce de sécurité s’efface, et le chien est ramené à sa position de repos. Protégé par un brevet d’invention, ce dispositif permet de se débarrasser du cran de sécurité placé classiquement sur le chien. Le canon, à pans au niveau de la console, est cylindrique ensuite et terminé par un guidon proéminent, surmonté d’un grain d’orge. Cette arme de poche en calibre 7 mm est à détente repliable. Mais il existe de nombreux modèles en 9 et 12 mm à broche munis d’un pontet. Les pièces métalliques sont nickelées, mais là encore il existe d’autres types de finitions et une grande partie des armes de Dumonthier sont bronzées.

Les marquages

Ils sont regroupés sur le barillet et la console. A gauche de la console, on peut lire:

DUMONTHIER Bte S.G.D.G.

Le numéro de série est inscrit sur la droite de la console et les poinçons de Dumontier, une tête de lion stylisée et un cartouche dans lequel sont accolées les lettres E et L, sont frappés sur le barillet.

Incapable de résister à l’envie de transformer son revolver à broches en arme combinée, Dumonthier va créer de superbes couteaux-revolvers. Il utilisera pour cela de forte lames de type  » Bowie  » avec un canon foré directement dans le dos de la lame. Avant de commercialiser son propre revolver, Dumonthier s’était déjà livré à ce genre d’exercice sur des revolvers Lefaucheux à simple et double action. La console ne pouvant plus désormais servir d’assise à la baguette déjection, cette dernière sera placée désormais sur la gaine dans laquelle s’engage la lame du revolver-coutelas. Sur le tard, l’apparition de la cartouche à percussion centrale entraînera une dernière évolution du système Dumonthier. Le barillet et l’appareil de percussion seront modifiés et une bande de métal viendra fermer le haut la cage du barillet. Malgré ces transformations notables, les revolvers Dumonthier conserveront leur ligne caractéristique qui permet aujourd’hui de les différencier si facilement des armes de la concurrence.

par Jean-Pierre BASTIE


Le révolver Smith & Wesson Model n°3 Australian Type

Avec son modèle Russian la société Smith & Wesson prend une place prépondérante dans le monde armurier. Les Russes achètent 142 386 exemplaires du revolver auxquels s’ajoutent les 13 500 modèles commerciaux. Ce contrat fabuleux pour l’époque s’échelonne sur six ans du 1er mai 1871 au 1er mai 1877. A la livraison des dernières commandes russes, Daniel B Wesson qui préside seul depuis 1873 aux destinées de la firme, décide de moderniser son célèbre revolver. Le New Model né des améliorations brevetées par J H Bullard le 22 octobre 1877, portant sur un dispositif d’extracteur plus court, mû par une came et la mise en place d’un ressort de maintien de l’axe du barillet, qui vient remplacer la grosse vis moletée fixée sur le bâti. Plus racé et plus élégant ce New Model connaît un rapide succès et couvre une gamme étendue d’armes aux destinations les plus diverses.

Les différents types de New Model

Le 44 Single Action New Model : D’une rare élégance, ce revolver puissant constitue le fer de lance de la nouvelle ligne des Smith & Wesson. La silhouette est épurée avec la disparition du repose doigt, du long carénage de l’extracteur et du busc de poignée des anciens modèles. Dans un esprit de modernité la crosse a été re-dessinée et dotée de plaquettes en ébonite. L’arme est proposée avec différentes longueurs de canons : 3  » ½, 4 », 5 », 6 », 6 » ½, 7 », 7 ½, et 8 pouces. Sur commandes les armes acceptent force calibres 32 S&W, 38 S&W, 41 S&W, 44 Henry, 44 S&W American, 44 S&W Russian, 45 Schoffield, 450 revolver, 45 Webley et 455. A partir du numéro de série 14 000 l’extracteur ne comporte plus de crémaillère mais une simple came. La production prend rapidement de l’ampleur pour atteindre le chiffre 48 713 en 1912, date du retrait du modèle.
Le 320 Revolving Rifle : Cette carabine revolver est attendue depuis longtemps par les chasseurs, elle est en calibre 320 et fabriquée à 977 exemplaires entre 1879 et 1896.
Le New Model N°3 Frontier : Ce revolver chambre la célèbre cartouche de 44/40 de la carabine Winchester modèle 1873. Fabriqué à 2072 exemplaires, ce revolver reste un échec commercial. En 1895 50% sont converties en 44 Russian et revendues au Japon par la Takata Trading Co d’Osaka. Il ne reste que 1286 revolvers en 44/40 péniblement écoulés jusqu’en 1908, aujourd’hui très recherchés par les collectionneurs.
Le New Model Target : Arme destinée au tir, ce revolver muni d’organes de visée réglable chambre les calibre 32/44 ou 38/44. Il est l’arme des célèbres tireurs comme les frères Bennett ou le chevalier Ira Paine. De 1887 à 1910 S & W fabriquera 4333 targets.
Le New Model N°3 38 WCF : Dernier modèle commercialisé entre 1900 et 1907 produit à 74 exemplaires en calibre 38/40 (ou 38 WCF). C’est le modèle le plus rare de la série.

Les contrats étrangers

Curieusement les contrats les plus importants vont être passés à l’étranger, ce qui fait que ces armes sont très difficiles à trouver aux USA et jouissent de ce fait d’une côte très élevée. Les principaux acheteurs sont le Mexique, la Russie, la Turquie, l’Argentine et le Japon. En 1881 l’exposition de Melbourne permet à Smith & Wesson de s’implanter en Australie par l’intermédiaire de M W Robinson. Ce dernier expédie en Australie plusieurs centaines de revolvers dotés d’une crosse d’épaulement et d’un canon de 7 pouces. Le 14 décembre 1881, la colonial police décide de passer commande pour 250 exemplaires nickelés au canon de 7 pouces avec une crosse d’épaulement au prix de 18 dollars pièces et de 30 exemplaires sans crosse au canon de 6,5 pouces au prix de 13 dollars pièces. Les armes sont expédiées depuis Springfield, en 27 caisses, chez Winchester Repeating Arms Company qui doit fournir les munitions. Les armes vendues en Australie sont désignées par les collectionneurs sous le nom d’Australian Model.

L’Australian Model

Selon John E Parsons*, en 1880, Smith & Wesson aurait envoyé 1350 revolvers en Australie munis de plaquettes en ébonite, sauf 26 avec des plaquettes en ivoire et deux en nacre. Aujourd’hui les collectionneurs américains s’accordent sur les caractéristiques suivantes :
Numéros de série compris entre 11 800 et 13 000
Nickelage mat
Canons de 7 pouces sauf 30 en 6,5 pouces pour la Colonial Police
Système encore à crémaillère
Vis de crosse d’épaulement inversés (tête à droite) par rapport aux anciens modèles Russian et American ainsi qu’aux modèles fabriqués après 1881. Marquage d’une tête de flèche sur les 280 modèles réglementaires de la Colonial Police Fabrication d’environ 1000 exemplaires, plusieurs modèles ont été réimportés aux USA dans les années 50 pour le marché de la collection. Les modèles pour la Colonial Police possèdent deux étuis en cuir (pour le revolver et pour la crosse).

Un modèle en coffret

Notre revolver correspond en tous points à l’Australian type si ce n’est les plaquettes en bois qui se marient mieux à celui de la crosse d’épaulement. Cette dernière, par contre, se termine par un talon en ébonite frappé du logo S&W. Elle se place dans un trou sur l’armature de crosse et une encoche sous l’armature du talon. Une grosse vis moletée assure la fixation. Avec ses 31 cm elle double la longueur du revolver. Cette arme imposante au nickelage mat donne toute confiance dans son utilisation. Seul le verrou en T et l’étoile du barillet sont bronzés. A l’ouverture l’extracteur en étoile éjecte les douilles. En bout de course il retombe en position initiale. La platine simple action place le chien en trois positions : abattu, armé et sécurité. Dans cette dernière position la rotation du barillet est libre ce qui permet le célèbre jeu de la roulette russe ! La fixation de la crosse d’épaule est particulièrement solide. Epaulé les organes de visée restent assez fin pour permettre un tir à longue distance. L’arme est livrée dans un coffret anglais en chêne clair frappé des initiales P et S sur le blason. L’intérieur compartimenté à l’anglaise possède un écusson au nom de Joseph Rodgers & Sons, 6 Norfolk Street, Scheffield avec l’étoile et la croix de Malte qui symbolise cette firme. Joseph Rodgers crée la société en 1764 et la compagnie habite à cette adresse depuis 1775. Elle est spécialisée dans les armes blanches avec comme de vise :  » the knife of Kings and the King of knives « **. A la mort de Joseph en 1821 son fils John lui succède et développe la firme aux USA (il fabrique le Bowie knife du général Custer) et devient coutelier du Roi George IV. Il obtient plusieurs récompenses à l’exposition universelle de Londres en 1851. La firme devient à partir de cette époque une référence dans tout l’empire britannique, elle équipe en armes blanches tous les officiers. Il n’est pas étonnant que la firme ou ses représentants soient présents en Australie et que l’armurier fournisse aussi des armes à feu ! Cependant si le coffret est bien d’époque, l’écusson du célèbre coutelier a pu être rajouté plus tard ? Le coffret offre en plus plusieurs accessoires pour le rechargement.

Les accessoires

Tous les accessoires hormis l’huilier anglais sont d’origine Smith & Wesson. Nous les retrouvons sur les catalogues d’époque. Les dosettes en laiton correspondent à des charges de poudre noire pour les différentes munitions commercialisées par S&W Le moule offre deux cavités pour les balles ogivales et rondes de 44 Russian. De plus sur le manche un trou permet de positionner la douille et en fermant le moule un ergot assure le positionnement de l’amorce. La base permet de positionner les ogives
Le désamorceur devrait en principe s’activer au maillet, il semble que le propriétaire est utilisé le moule pour lui taper dessus !
Un évaseur
Deux recalibreurs, un long et un court
Deux enfonceurs de balles correspondant aux ogives rondes ou coniques
Un sertisseur
L’ensemble de ces outils a servi.
En outre le coffret contient des douilles marquées : WR A Co 44 S & W R que l’on traduit par Winchester Repeating Arms Company 44 Smith & Wesson Russian et des rondelles de liège pour assurer le rôle de bourre. L’ensemble est homogène et le coffret possède encore sa clef.

Il existe parmi les New Model quelques oiseaux rares comme l’Australian type. Quand de plus celui-ci se trouve dans un coffret muni de son matériel de rechargement la côte s’envole ! Notre pays possède quelques  » Frontier « , des  » revolving rifles « , pas mal de  » targets  » mais que deux  » austalians  » à notre connaissance. La France aimait beaucoup Smith & Wesson grâce aux efforts d’importateurs comme Le May, Claudin et Gastinne-Renette. Aujourd’hui ce thème de collection est particulièrement riche et ces armes appartiennent à l’histoire de nombres de pays et nous pouvons encore en trouver dans les collections françaises.

par Daniel CASANOVA