N°22 _ Une carabine Sharps en 50/70 Goverment Boker Conversion – Et Lassalle fut vengé

Une carabine Sharps en 50/70 Goverment Boker Conversion

A la fin de la guerre de Sécession l’armée nordiste se trouve en possession de centaines de milliers de carabines à chargement par la culasse à cartouches combustibles de tous calibres. Ces armes ont fait la preuve de leur redoutable efficacité sur les champs de bataille. Toutefois, elles vont très vite se retrouver obsolètes face à l’apparition des premières armes à cartouches métalliques. Déjà, avant que la guerre civile ne touche à sa fin, les premières carabines utilisant les cartouches métalliques, Spencer et à un degré moindre les rifles Henry ont changé la face du conflit apportant la supériorité incontestable de la puissance et de la rapidité de leur tir. L’heure du remplacement des cartouches papier ou en tissu à amorçage séparé a sonné. Après chaque guerre, le maître mot des commissions chargées de revoir l’armement est l’économie. Cette volonté de réduire les dépenses de l’armée va présider aux décisions concernant les futures armes américaines. Par ailleurs, les progrès effectués dans l’outillage, les nouvelles techniques de confection des cartouches métalliques permettent d’envisager sérieusement et à moindre coût la transformation des armes à chargement par la bouche en chargement par la culasse et la modification de celles utilisant les cartouches combustibles. L’adoption du système Allin à tabatière des Springfield et de sa toute nouvelle cartouche 50/70 government semble démontrer la pertinence de ce choix.

Le système Sharps

Largement utilisés au cours des quatre années qu’a duré la guerre civile, les carabines et fusils Sharps modèles 1859, 1863 et 1865 ont contribué à la victoire des nordistes. Le rôle de ces armes tout au long du conflit, la place qu’elles occupent dans la conquête de l’Ouest contribuent à leur légende. Toute auréolée de gloire qu’elle soit en ce début 1866, la Sharps Rifle Manufacturing ne se trouve pas moins dans une situation inconfortable, voire délicate. 50 000 fusils et carabines Sharps en état de fonctionnement sont entre les mains du département de la guerre et celui ci est prêt à brader ce surplus. Heureusement, en 1867 l’U.S. gouvernment décide de convertir une grande partie de ce surplus d’armes à percussion en armes chambrées pour la cartouche métallique et la firme de Hartford décroche le contrat. C’est ainsi que 31 098 carabines et 1 086 fusils des modèles 1859, 1863 et 1865 vont subir le passage de la percussion à la cartouche métallique. Ces armes portent le nom de New Model 1866 et se situent dans la tranche de série au-delà du numéro C. 50 000. Leurs principales caractéristiques concernent l’adoption d’un percuteur en forme de U, l’ajout d’un extracteur sur le côté gauche de l’arme, le chien, retaillé et dont l’angle de frappe est modifié. La plupart des canons sont forés au calibre 50 et comportent 3 rayures. Les bois font l’objet également le plus souvent d’un reconditionnement et dans tous les cas sont dépourvus de patchbox. Un marquage particulier est apposé sous la forme d’un cartouche au milieu du côté gauche de la crosse portant les initiales D.F.C. Quant à la munition elle est à percussion centrale et chambrée en 50/70. Bien entendu, ces armes conservent la ligne générale des anciens modèles, dont la platine reste identique et se trouve toujours pourvue du chargeur à amorces « Pellet-Primer » mis au point par Lawrence, bien que celle ci soit désormais inutile en raison de la conversion. Si ce marché peut être considéré comme une bouée de sauvetage pour la firme Sharps et lui laisse l’espoir d’envisager encore une carrière militaire pour ces nouveaux modèles 1866 à cartouche métallique, une grande partie des modèles à percussion demeure stockée dans ses entrepôts. En juillet 1870, Lawrence, qui préside encore aux destinées de l’entreprise, décide de vendre à SCHUYLER, HARTLEY et GRAHAM 4 780 carabines et 1 220 fusils à percussion auxquels s’ajouteront 1 880 carabines et 790 fusils du nouveau modèle 1866 convertis à la cartouche métallique.

Un curieux itinéraire

Un événement capital vient de se produire en France. En septembre 1870, l’armée française vaincue à Sedan doit capituler. C’est la fin du second Empire et la proclamation de la République. Décidé à poursuivre le combat contre les Prussiens, le gouvernement de la Défense Nationale doit faire face à un grave problème : trouver des armes. Il faut se contraindre à se tourner vers l’étranger et principalement vers les Etats Unis dont le stock énorme d’armes de la guerre de Sécession est inutilisé. Parmi ces armes, seront achetées des Sharps et plus particulièrement celles que SCHUYLER, HARTLEY et GRAHAM viennent d’acquérir à la Sharps Rifle Manufacturing Company. L’intégralité du lot sera revendue aux agents du gouvernement français. Arrivées en France, ces armes, comme la plupart des autres importées ne seront guère utilisées. Pour leur grande majorité elles resteront soigneusement rangées. A la fin de la guerre franco-prusienne, le gouvernement les revendra à vil prix. C’est la Herman BOKER compagnie de New York qui s’en porte acquéreur. Mais, dans leur configuration ces Sharps à percussion sont invendables.

En 1876 Herman BOKER s’adresse donc à la Sharps Rifle Company (qui a remplacé la Sharps Rifle Manufacturing Company depuis 1874) pour faire procéder aux conversions indispensables. Après d’âpres négociations le prix convenu de la conversion sera de 4,25 dollars par carabine et 4,30 par fusil. Des difficultés d’approvisionnement en acier venu d’Angleterre en raison de sa meilleure qualité par rapport à l’acier américain retarderont la livraison de la commande. 1 000 armes seront quand même livrées le 15 mai 1877 et 100 fusils en juin de la même année. Le reste arrivera à la fin de 1877. Au total 5 000 carabines et fusils seront livrés. Les carabines « Boker Conversion » ne se distinguent guère des nouveaux modèles 1866 Conversion. Les marquages sont identiques. Seuls ceux du canon ont été effacés, conséquence du reconditionnement. Le poinçon DFC sur le côté gauche de la crosse est également absent, les crosses ayant été souvent changées et le mécanisme d’amorçage a été retiré laissant seulement apparaître le canal fraisé sur le haut de la platine. A noter que quelques rares carabines BOKER ont été transformées selon le modèle 1874. Elles comportent une platine plus mince au double galbe arrondi, dépourvu de l’amorçage et un chien plus court. Passées d’un continent à un autre, puis revenues sur leur lieu d’origine, ces armes constituent une curiosité. On ne voit pas comment elles furent revendues par BOKER et à qui elles furent destinées. Peut-être certaines ont-elles continué leur route vers l’Ouest à moins qu’elles n’aient servi vers d’autres horizons entre les mains d’aventuriers en quête de nouveaux territoires et de conquêtes ? … Elles restent une curiosité de l’Histoire et l’histoire de leur périple méritait d’être citée.

La firme Sharps continuera à transformer selon les caractéristiques du modèle 1874 de nombreuses carabines civiles, le dernier client étant Joseph FRAZIER de New York en 1880. En marge de ces modifications d’usine de nombreux armuriers de la Frontière convertiront à leur compte à la cartouche métallique les anciennes armes à percussion toujours utilisées par les colons et les aventuriers de tous bords. Elles différent de par de menus détails du modèle original. Ayant définitivement perdu les marchés militaires, la SHARPS RIFLE COMPANY s’orientera vers les armes de chasse, de tir ou de luxe. Un tout dernier modèle en 1878 en collaboration avec Hugo BORCHARDT, sera mis au point. En dépit d’une commande de 3 000 fusils de la Chine et de divers Etats des Etats Unis, cette arme arrive trop tard. C’en est fini des armes SHARPS. Lorsque la SHARPS RIFLE COMPANY disparaît en 1883, LAWRENCE a quitté l’entreprise depuis 11 ans et Christian SHARPS est mort depuis 9 ans. Entre temps, ce sont des dizaines de millions de bisons qui ont été exterminés et des centaines de milliers d’Indiens décimés. Lors de l’extinction de la firme, déjà la vaste plaine ne résonne plus de l’écho étourdissant des sabots des immenses troupeaux de bisons remontant vers les prairies fertiles du KANSAS et du NEBRASKA et les chants incantatoires des « POW WO » des fiers et nobles cavaliers de la plaine se sont tus à jamais comme un adieu définitif au vieil OUEST et au peuple Peau-Rouge.

Sources

  • Jean-¨Pierre BASTIE – Gazette des Armes
  • Jean-Didier VILLERY – Gazette des Armes
  • Martin BEHRENS – DEUTCHS WAFFEN JOURNAL
  • Franck SELLERS – Sharps Firearms
  • Norman FLAYDERMAn

par Patrick de TOFFOLI


Et LASSALLE fut vengé (Le combat de l’hôpital le 28 juin 1815)

Les amoureux de l’empire connaissent tous le funeste destin d’un des meilleurs sabreur des troupes de cavalerie légère : le jeune et fringant Lassalle, mort d’une balle en plein front lors de la bataille de Wagram le 6 Juillet 1809. Ce buveur bravache avait déclaré : “tout hussard qui n’est pas mort a 30 ans est un Jean-foutre et je m’arrange pour ne pas passer le terme.” Il avait juste 34 ans quand il eut rendez-vous avec la camarde sous la forme d’une balle tirée lors d’une salve lâchée par un bataillon Hongrois du régiment de Duka. La balle le frappa aux avants poste de sa division de cavalerie alors que l’élan de ses cavaliers s’était brisé sur une profonde ravine derrière lequel l’ennemi exécutait un feu de salve pour briser notre charge. La vengeance étant comme chacun le sait un plat qui se mange froid, le temps fit son ouvrage, et le destin de l’empire ayant définitivement basculé un funeste 18 juin au soir, les alliés crurent pouvoir dépecer notre pays comme bon leur semblait. A cette fin un fort contingent ( 2000 hommes ) de forces Austro-Sardes composé comme suit :

Sardes : (Génral d’AUDEZENE)

  • 2 bataillons de cacciatori Italiani.

Autrichiens : (Colonel O’BRIEN)

  • 1 bataillon de chasseurs à pied ;
  • 10 compagnies de régiments d’infanterie Duka (numéro 39) et Kerpen (Numéro 49) ;
  • 1 escadron du régiment de hussard Frimont (numéro 9) ;
  • 2 canons ;
  • 1 obusier.

Fut envoyé dans la vallée de l’Isère a l’est d’Albertville venant d‘Italie. Le futur vainqueur et pacificateur de l’Algérie le maréchal Bugeaud alors simple Général de brigade le même qui commandait le 14ème de ligne depuis Janvier 1814( voir TRADITION MAGAZINE numéro 195 ) se porta a leur rencontre a la tête d’une colonne de1200 hommes ainsi composée :

  • 14ème de ligne ( 2 bataillons.)
  • 20ème de ligne ( 2 bataillons.)
  • 10ème chasseurs a cheval ( 4 escadrons.)

Lors de la bataille qui s’ensuivit dite bataille de Conflans ou de l’Hôpital, le 28 juin 1815!! les Français avec des pertes minimes ( quelques officiers blessés ( 4 ) et quelques un tués (5) ) vengent le brave Lassalle en tuant 16 officiers et 500 soldats au régiment Duka!!! On peut constater que la bataille de l’hôpital a clôt la période de l’empire par une victoire Française, et que 10 jours après Waterloo, il était encore imprudent pour un quelconque envahisseur de violer impunément les frontières de la patrie. Le 14ème de ligne fut définitivement licencie des Novembre1815 par un Roi qui devait son trône a la protection des allies et qui n’avait du goûter que modérément la terrible correction infligée a ses obligés par les débris de la grande armée. 

Lors d’une bourse aux armes dans la région de Toulouse ( Blagnac 2003) un objet a soudain fait ressortir la mémoire de cette modeste bataille presque oubliée une miniature de sabre d’officier de cavalerie légère avec fourreau fer a deux bracelets de laiton gravé était proposé a la vente par un chineur. Cet étrange objet, loin d’être un sabre d’enfant avec une lame médiocre et mouchée est monté avec une lame signée au dos C.F. KLINGENTHAL ( C.F. pour Couleaux Frères) ce qui est un gage de fabrication soigneuse, la poignée est en corne blonde filigranée d’un complexe tressage de fils de cuivre. Une garde a la chasseur en bronze doré et gravé en taille douce de rinceaux et de filet complète l’habillage de cet élégant souvenir historique. La lame dotée d’un nerf extraordinaire porte gravé a l’eau forte sur sa lame sur un coté en belles lettres cursives assez peu profondes :

COMBAT DE L’HÔPITAL 28 JUIN 1815

et sur l’autre face :

14ème REGIMENT D’INFie DE LIGNE

Un tel objet, très évocateur ne manque pas de soulever bien des questions: Pourquoi avoir choisi de faire une arme commémorative miniature? Peut être dans un esprit de discrétion a une époque ou la terreur blanche faisait nombre de victimes parmi les demi-soldes fidèles a l’empereur ( le général Ramel fut tué au début de la seconde restauration par les “ Verdets” ( extrémistes royalistes ) a Toulouse rue Ninau en rentrant dans son hôtel particulier. Un officier ancien du 14ème toujours en service sous la royauté n’aurait sûrement pas pu porter une pareille dédicace sur son sabre de service sans nuire a son avancement ou pire. Par contre sous forme de miniature restant a son domicile ou sur son bureau la lame ne pouvait être montrée qu’a des personnes sures. Pourquoi sur un sabre d’officier de cavalerie légère et non pas sur un sabre d’officier monté ? 

Il n’y avait pas de cavalerie du coté français lors de cette glorieuse journée, mais par contre le propriétaire de ce sabre peut avoir été muté dans la cavalerie ou cette forme de sabre a perduré bien après la chute de l’empire. S’il s’agit d’un officier ce que le type de sabre tend a accréditer, une patiente recherche au service historique de l’armée de terre peut peut-être éclairer notre lanterne. A quelle époque cette arme fut réalisée? La marque C.F. Klingenthal doit pouvoir nous donner de précieuse indications sur l’époque a laquelle ce marquage fut utilisé, l’emploi d’une gravure a l’eau forte peut aussi nous aider, car il semble que sous le 1er Empire on gravait principalement a la main et que l’usage quasi systématique de l’eau forte pour mordre l’acier ne se généralisa que vers le milieu du 19ème siècle. L’achat de ce modeste souvenir aura tout au moins permis de faire resurgir du passé la mémoire d’un des plus attirant régiment de ligne du 1er empire et de rendre hommage aux valeureux combattants de la grande armée ceux du 14ème se sont couvert de gloire a Eylau ou 715 de ses hommes furent tués et 678 blessés sur 1905 présent.

par Gilles SIGRO