N°12 _ L’Agent – Epée de marine MLE 1837

L’Agent

Au début du XXe siècle, la criminalité augmente d’autant en France que la police, aux méthodes archaïques, n’arrive plus à endiguer la montée de la délinquance qui déborde des villes et gagne la campagne. En 1907, Clemenceau part en croisade contre le crime organisé. Il modernise la police et crée les fameuses  » brigades du Tigre « , mais ces brigades mobiles ne sont qu’un des nombreux éléments qui constituent les forces de police françaises. Les agents de la force publique qui sont recrutés par les communes doivent assurer leur équipement et leur entretien. Les gardiens de la paix, restent sous l’autorité des maires, seule la ville de Paris dispose d’un statut particulier. La modernisation de la police passe par la mise en œuvre de moyens conséquents et l’achat de plusieurs milliers de revolvers modernes, destinés à faire jeu égal avec les armes employées par les malfaiteurs. L’ampleur de ce marché va conduire les grandes maisons stéphanoises à développer toute une gamme d’armes de poing, destinées aux forces de l’ordre.

Les révolvers de la « MANU »

Dans le combat qui s’annonce entre fabricants et revendeurs, la Manufacture Française d’Armes et de Cycles de Saint Etienne dispose de nombreux atouts. Son tarif illustré est largement diffusé dans le pays. Il permet d’équiper, sur simple demande, n’importe quelle unité de police municipale, et offre toute une gamme de revolvers, de menottes, de matraques et de vélos, autant d’accessoires indispensables aux agents de la force publique. S’il est clair désormais que le vélo et le revolver constituent la marque distinctive des agents en tenue au début du siècle, les policiers en civil, formés aux techniques de Bertillon, réclament des armes plus faciles à dissimuler que les gros revolvers d’ordonnance encore en dotation. En réponse à ces demandes aussi nombreuses que variées, la Manufacture Française d’Armes et de Cycles de Saint-Etienne, ainsi que ses nombreuses filiales disséminées dans les grandes villes de province et des colonies, proposent trois types de revolvers. Ils apparaissent pour la première fois en 1906 dans le tarif-album de la célèbre maison stéphanoise. L’Agent et le Municipal sont lancés les premiers, suivis un an plus tard par le Brigadier-Municipal. Ces armes utilisent toutes la munition réglementaire de 8 mm.

Trois modèle

Sobres et fonctionnels, ces revolvers reçoivent une finition de qualité. Le bronzage est d’un noir profond, et ses reflets bleutés s’accordent parfaitement avec le noyer quadrillé des plaquettes de crosse. Le chien et la queue de détente laissés en blanc, sont jaunis sur certaines versions. Le Brigadier Municipal est l’arme qui se rapproche le plus du revolver réglementaire, adopté par l’armée en 1892. Il fonctionne en simple et double action et dispose d’une capacité de six coups. Cette arme de bonne facture est munie d’un barillet basculant sur la droite et d’un extracteur collectif. Plus court, le Municipal est aussi le modèle le plus prisé des polices urbaines au début de ce siècle. Ce revolver à barillet fixe, dispose d’un axe creux, qui reçoit au repos la baguette d’éjection montée sur un fléau. La portière de chargement s’ouvre latéralement, sur la droite. L’Agent enfin constitue le modèle le plus court de la gamme.

L’Agent

Long de 190 mm pour un poids de 500 grammes, l’Agent est une sorte de « sub-nose » avant la lettre. Aussi bien fini que les autres modèles de la gamme, il s’en écarte par la taille, mais aussi par des points de détails. S’il reprend dans l’ensemble les dispositions du Municipal, ce petit revolver en diffère par son barillet, à cinq coups, dépourvu de drageoir. II existe deux variantes de ce modèle. La première est munie d’un canon rond, la baguette est montée sur un collier qui n’est pas sans rappeler celui des revolvers Perrin ou du trop rare Mle 1887 d’essai de la MAS. La seconde reçoit un canon octogonal et une baguette montée sur fléau, logée au repos dans l’axe creux du barillet. La configuration générale de cette variante la rapproche d’autant des autres modèles de la gamme. Les instruments de visée fixes sont constitués d’un guidon, en demi-lune, et d’un simple cran de mire, taillé sur le renfort de la carcasse. L’anneau de calotte, hérité des modèles antérieurs, est sans réelle utilité sur une arme de ce type. Compact et facile à dissimuler, l’Agent est moins cher qu’un Municipal. Mais il obéie surtout à une autre logique. Si le Municipal et le Brigadier-Municipal ont été créés à l’usage des policiers en tenues, l’Agent lui constitue l’arme de choix des inspecteurs en civil.

Les marquages

Ils sont nombreux sur cette arme et témoignent de la volonté des directeurs de la manufacture de s’approprier, à des fins commerciales, la paternité de ces revolvers produits en Belgique. Le nom du modèle est frappé sur le canon, entre la carcasse et le guidon. On peut y lire :

L’AGENT

La raison sociale de la maison stéphanoise figure sur le pan supérieur de la cage du barillet :

MANUFACTURE FRANCAISE D’ARMES ET DE CYCLES DE SAINT-ETIENNE

La tranche arrière du barillet porte le célèbre poinçon de la « Manu », deux fûts de canons entrecroisés, traversés par une flèche pointée vers le bas, encadré des lettres MF. Un poinçon en totale contradiction avec les autres marquages de ces armes, qui sont tous d’origine belge. Les poinçons d’épreuves liégeois sont visibles sur la droite du canon et les marques du fabricant apparaissent sur la poignée lorsque l’on ôte les plaquettes. Le numéro de série est inscrit sous la calotte et sur la droite de la carcasse figure la mention du calibre.

Vendus aussi bien aux civils qu’aux représentants des forces de l’ordre, l’Agent eut son heure de gloire à la veille de la Grande Guerre et si quelques revolvers firent le coup de feu dans la traque sanglante de la bande à Bonnot, la plupart des exemplaires vendus ne sortirent que rarement de leurs étuis ou du fond des sacoches des agents payeurs des administrations françaises.

L’Agent

Calibre 8 mm
Capacité5 coups
Longueur190 mm
Canon50 mm
Poids500 grammes
FinitionBronzé, queue de détente et chien polis blanc, plaquettes crosse en noyer

par Jean-Pierre BASTIE


Epée de Marine MLE 1837

En 1816 la Marine Française renoue avec l’épée, par la volonté de louis XVIII. En 1837, cette arme au pommeau à la fleur de lys fait place à un nouveau modèle, appelé à rester en service jusqu’à nos jours. Ce modèle fait partie de la grande famille des épées à clavier, largement répandue sous la IIIème République. Nous vous présentons sur les photographies le modèle de Marine de cet époque. Les épées de Marine de la série 1837 possèdent des caractéristiques identiques et ne diffèrent que par le dessin du clavier.

Les caractéristiques standards des épées 1837

Le pommeau est tronconique renversé. Il est gravé des deux côtés d’une coquille Saint Jacques. La bague supérieure du pommeau est ciselée aux motifs de feuilles de lauriers. L’arc de jointure part du pommeau à la garde où il se divise en deux branches. Il est orné de feuilles de chêne dans sa partie supérieure et deux feuille de laurier dans la partie inférieure. Entre les deux se trouve une bague portant des petites coquilles Saint Jacques. La fusée de bois ou de corne noircie possède un filigrane torsadé et se trouve enchâssée entre deux bagues gravées de feuilles de lauriers. Le quillon se termine par un bouton portant une coquille Saint Jacques. Les lames sont de sections variables. Le plus souvent en forme de losange. Celle présentée reste classique avec un dos plat et une gouttière près de la garde pour se terminer en section losangique à la pointe. Le fourreau en cuir noirci possède deux garnitures. Un dard avec sa protection et une chape qui porte un bouton ou un anneau de bélière. Suivant le grade ces deux pièces sont plus ou moins décorées. Le contre clavier reste le plus souvent symbolique.

Le clavier

La clavier symétrique est frappé d’une ancre étalinguée qui repose sur un lit de quatre pavillons flanqués à droite d’un rameau de feuille de chêne et à gauche de feuille de laurier. Suivant le service de la Marine l’ancre peut être remplacée par une couronne ou un faisceau de licteur. Par ailleurs l’ancre affecte une forme différente suivant les époques. Cette caractéristique nous permet d’identifier l’épée. En tout état de cause cette ancre est étalinguée c’est à dire : faire une étalingure sorte de noeud coulant fait avec un bout de cordage sur l’organeau d’une ancre pour le fixer à celui-ci .A cet effet, on passe le bout du cordage dans l’organeau, on lui fait faire deux tours sur lui même pour former une bague. Ces tours sont serrés ensemble par cinq ou six amarrages. Pour un terrien disons que le cordage visible sur le clavier de l’épée vient se fixer sur l’organeau et s’enroule autour de la verge. Comme nous allons utiliser les termes maritimes pour notre identification, présentons d’abord une ancre.

L’ancre

L’ancre se caractérise suivant le dictionnaire de la marine à voile de 1856 comme suit : Pièce de fer forgé, ayant une verge de forme conique, terminée, par un côté par une boucle mobile, et de l’autre par deux bras ou deux pattes armés de becs : la largeur de métal avoisinant le bec se nomme Oreilles, et le gros bout de la verge qui se trouve au point de la réunion avec les pattes, s’appelle le collet. Près de la boucle qui reçoit le nom de cigale ou d’organeau on place le jas. Tous ces termes vont nous servir pour caractériser les ancres gravées sur les claviers des différentes versions du modèle 1837.

Les modèles 1837

Modèle 1837 Ancre étalingué surmontée d’une couronne royale. Ce modèle est attribuée aux officiers de tous grades pour la tenue de ville. En 1844 il est attribué aux officiers du contrôle de la Marine et en 1847 aux Commissaires de la Marine. La fusée est en corne, en écaille pour les officiers généraux.

Modèle 1837-1848 La couronne disparaît avec la Seconde République pour les officiers précédemment cités. En 1850 l’épée en métal argentée est attribuée aux agents du commissariat et commis entretenus.

Modèle 1837-1853 Ancre étalinguée surmontée d’une couronne impériale. La contre garde mobile caractérise le modèle de 1853. Il est attribué aux officiers autres que celui des officiers de marine (commissariat, intendance, hydrographie, trésorerie, greffiers, commis, etc). Pour les officiers généraux la poignée en corne est remplacée par une poignée en nacre. En 1858 les Directeurs et Commis de l’administration centrale de la Marine reçoivent l’épée avec un aigle déployé à la place de la coquille sur le pommeau. Le cordage est enroulé sur l’arc de jointure de l’ancre. Les officiers de Marine garde le sabre modèle 1837.

Modèle 1837-1870 Suppression de la couronne impériale après le désastre de Sedan. Une étoile à cinq branches se trouve à la base de l’ancre. Les officiers des services de la Marine portent l’épée. En 1888 l’épée est attribuée aux inspecteurs des colonies. Les décrets de 1891 et de 1902 étendent l’attribution des épées aux officiers capitaine major de la flotte, chef de division navale, hauts fonctionnaires des contrôles, Etat Major du Ministère, attachés naval des ambassades, ingénieurs mécaniciens, hydrographes, du génie maritime, inspecteurs des services administratifs, commissaires, agents administratifs et agents de manutention. Cette large diffusion va entraîner la création de modèles symboliques des corps de la Marine que nous examinerons dans le chapitre IIIème République.

Modèle 1837-1957 Ces modèles se caractérisent par une contre garde petite et fixe, une poignée en rhodoïde une chape à anneau , un dard asymétrique et la disparition définitive de l’étoile. Le clavier comporte deux dessins d’ancres : – une ancre étalinguée avec un gros orin et des pattes plus longues ; – une ancre étalinguée avec un orin plus fin faisant deux anses sur la gauche. Le modèle 1957 est attribué aux officiers généraux de la Marine, aux fonctionnaires de la Marine, aux officiers des équipages (officiers mariniers devenus officiers), aux ingénieurs mécaniciens, aux techniciens et chef de musique. Les amiraux portent leurs étoiles sur le gland de la dragonne. Aujourd’hui les officiers de Marine portent le sabre modèle 1957, les amiraux et les autres officiers l’épée.

Les épées sous la Troisième République

A la fin du XIXème siècle comme au début du XXème, l’épée 1837 connaît un profond engouement et se voit distribuée dans tous les services de la marine et des colonies. Les fourbisseurs reçoivent des commandes spéciales émanant de promotions ou de services. Nous allons tenter de relever quelques caractéristiques de l’ancre de cette époque. Pas d’étoile.

  • Officiers de Marine style Louis-Philippe : gros organeau fin, orin passant sous la partie droite du jas et bras presque horizontaux.
  • Commissariat : bras obliques légèrement courbés, jas légèrement incliné et orin passant deux fois sur la verge et non le diamant.
  • Amiraux : étoiles sur le clavier placée sur la partie basale pour les vice-amiraux et sur les feuilles pour les contre-amiraux.
  • Services : ancre à fortes pattes, bras obliques et gros orin.
  • Fonctionnaires du contrôle : ancre à très fortes pattes et bras obliques, orin très épais.
  • Officiers de Marine type classique IIIème République après 1902 : anneau de bélière, ancre à pattes très fortes réduisant la longueur des bras obliques et très gros orin faisant une boucle au-dessus de l’organeau.
  • Administration de la Marine : ancre à bras presque horizontaux, orin passant sur la partie gauche du jas.
  • Les médecins et pharmaciens peuvent porter les attributs de leurs spécialités en lieu et place de l’ancre ou un serpent d’Epidaure peut remplacer l’orin.

Les illustrations présentent une épée classique IIIème République où l’on remarque la disparition de l’étoile. Si la tradition attache un sabre à l’officier de Marine, il ne faut point oublier l’épée modèle 1837 qui symbolise l’évolution technique de la Royale. Les services vont s’agrandir donnant une large place à de nouveaux marins ingénieurs mécaniciens, électriciens, du génie maritime, des constructions navales, etc. C’est à dire une marine moderne qui va assurer toute la logistique de l’Empire colonial. L’épée modèle 1837 reste attachés à tous ces administrateurs qui vont donner à la France un Empire en régnant sur une canonnière ou un aviso colonial. Remontant les fleuves et les arroyos l’épée 1837 fera une œuvre plus civilisatrice que guerrière.

Le commissariat colonial autonome

Ces épées sont frappées sur le clavier par une ancre étalinguée mais elle repose sur un lit de six drapeaux et sont entourées d’une couronne de laurier. Le fourreau est métallique (Modèle 1889).

par Daniel CASANOVA