N°13 _ Le Lefaucheux mod.1868 – Le Renovator

Le LEFAUCHEUX mod. 1868

Dix ans après l’adoption du revolver Mle 1858 par la Royale, le temps est venu pour l’armée française de se choisir une nouvelle arme de poing, et très vite les établissements Lefaucheux sont sur les rangs. L’arme qu’ils préparent, fruit de plusieurs mois de travail acharné, est brevetée sous le N° 82358, le 10 septembre 1868. Construit dans le but avoué de s’imposer sur le marché militaire ce revolver présente de nombreuses innovations qui lui permettent de rivaliser avec les revolvers Perrin, qui font figure de favoris. Le revolver initial dispose de nombreuses qualités. Mais l’arme a été conçue dans l’urgence et le modèle va évoluer tout au long de sa carrière en fonction des observations avancées par les diverses commissions qui vont l’expérimenter. Cette arme est construite sur une seule pièce de métal qui forme le corps de platine. Tous les éléments de la platine sont placés sur un seul et même côté, garantissant ainsi la solidité de l’arme, un moindre coût de fabrication, et une parfaite interchangeabilité des pièces. Long de 303 mm pour un poids de 1080 grammes, ce revolver dispose d’un canon de 155 mm vissé sur la carcasse. Les instruments de visée se résument à un guidon en demi-lune et à un cran de mire, de faible dimension, creusé sur le sommet de la carcasse. le barillet, foré de six chambres, est muni d’un fort épaulement. Il est lié à la carcasse par un axe à tête de clou, maintenu par un ressort latéral, sur la première version de cette arme. A la demande des militaires, ce mode de fixation est abandonné au profit d’un nouvel axe, introduit en mai 1868, qui se visse d’un quart de tour sur la console. Cet axe est caractérisé par une tête cylindrique, percée de plusieurs orifices, qui permettent d’introduire un outil pour le démontage. L’aspect de la carcasse, à flanc plats sur les premiers modèles, va s’arrondir sur les versions postérieures et la portière de chargement, placée sur la droite, connaîtra divers modes d’ouverture en cours de fabrication. L’arme fonctionne en simple et double action. La baguette d’éjection, placée à droite du canon, est dérivée du modèle à « rail-guide » employé sur les 1858 de Marine des toutes dernières versions. A l’origine, les armes destinées à l’armée de terre sont bronzées.

Les marquages

La plupart des revolvers Mod. 1868 portent, gravé sur le canon, le nom du fabricant:

E. Lefaucheux Bté à Paris

Le numéro de série figure sur l’avant de la cage du barillet, à gauche de l’arme, précédé du célèbre poinçon d’Eugène Lefaucheux. Deux chiffres et d’une lettre apposés sur les pièces du mécanisme constituent le numéro de montage.

La munition

De construction complexe, la cartouche est à l’origine des nombreux déboires rencontrés par l’inventeur lors des essais. Elle est constitué d’un étui composite, d’une ogive de 11,2 mm de diamètre pour un poids de 13,3 grammes et d’une charge de poudre de 0,96 grammes. L’étui comprend plusieurs éléments: Une rondelle métallique, qui fait office de culot; un « tube à poudre » qui forme le corps de l’étui; et une alvéole qui reçoit l’appareil d’amorçage. Le disque métallique qui forme le culot est indépendant du corps de l’étui. il est percée en son centre afin de recevoir l’alvéole « porte-capsule ». Quant au corps de la douille, il est lié à la rondelle par cette alvéole et par un rembourrage de carton. Les bords de cette alvéole sont rabattues sur la rondelle et assurent la réunion des trois pièces, en comprimant le carton placé entre le « tube à poudre » et l’alvéole, dont la forme évasée concourt à maintenir le bourrage. Cette alvéole, percée d’un trou central pour les passage des gaz de l’amorce, reçoit une enclume en forme de fer de lance, qui appuie sa pointe contre la face interne de la capsule. Le tout est fixé par l’amorce, engagée en force dans l’alvéole. Lors des essais de 1868-69, les cartouches tirées dans le revolver Lefaucheux, atteignent la vitesse initiale de 190 m/s. Quelques temps plus tard, au début de l’année 1870, une version améliorée de cette cartouche, munie d’un projectile de 12,8 grammes, propulsé par 0,65 grammes de poudre noire, atteint les 215 m/s.

Les essais

En 1867 les revolvers Perrin ont écrasés toutes les armes à broche, mis aux essais dans divers escadrons de gendarmerie. L’année qui suit s’annonce décisive pour les derniers armuriers en courses. De 1868 à 1870, pendant que les corps testent les armes sur le terrain, la commission permanente de tir de Vincennes procède à l’évaluation technique et balistique des revolvers Perrin et Lefaucheux. Un échantillonnage d’armes lui à été fourni pour les essais de l’armée; un second lot de Lefaucheux à percussion centrale lui sera fourni par la Marine en 1869. Quatre revolvers au total seront testés, du mois de juillet 1869 au mois de décembre 1869. Les essais commandés à la Commission, par ordres ministériels du 25 juillet 1868, ne pourront commencer qu’en avril 1869. Ce retard est essentiellement lié à la mauvaise qualité des cartouches Lefaucheux du commerce, et à la mise au point d’une cartouche plus fiable pour les essais officiels. Le 28 décembre 1869, après huit mois d’essais intensifs, la Commission permanente de tir de Vincennes rend des conclusions assez contradictoires. Les revolvers Lefaucheux sont simples, faciles d’emploi et doter de bonnes performances balistiques. Toutefois, la Commission tient à souligner la fréquence des enclouages, liée à la mauvaise qualité des munitions, le manque de fixité de la baguette, la forme défectueuse du cran de mire et la longueur exagérée de la course de la détente. Après avoir exprimée sa préférence pour le Perrin à double effet, elle souligne le retour en force du Lefaucheux, lors des essais réalisés pour le compte de la marine.

Le 19 juillet 1870, la déclaration de guerre met un terme aux essais. L’armée a laissée passer sa chance, et pour avoir attendue trop longtemps, elle doit envoyer les troupes sur le front armées de pistolets obsolètes. Malgré tout les campagnes d’essais n’auront pas été totalement inutile, car de nombreux officiers se fourniront dans le commerce avant de partir en campagne. Parmi les armes choisies par ces hommes, les revolvers testés par l’armée auront la part belle et de nombreux revolvers Lefaucheux et Perrin, à percussion centrale, seront utilisés par les officiers de l’armée du Rhin.

LEFAUCHEUX MOD. 1868

Calibre11 mm
Capacité6 coups
Longueur303 mm
Canon155 mm
Poids1080 grammes
FinitionBronzé, plaquette de crosse en noyer

par Jean-Pierre BASTIE


Le Renovator

La fin du 19ème siècle est marquée, dans le domaine de l’armement portatif, par l’apparition d’une multitude d’armes destinées a la défense personnelle. Cette période favorable aux inventeurs, plus imaginatifs les uns que les autres, constitue l’âge d’or des nombreux systèmes à pression, nommés « Squezzer » aux USA, utilisables d’une seule main, par simple pression palmaire. Ces armes faciles à dissimuler et à transporter qui ont pour noms : Le Mitrailleur ou le Gaulois, sont fabriquées en France et connaissent une grande diffusion grâce au célèbre catalogue de la Manufacture Française d’Armes et de Cycles de St Etienne, maison renommée dirigée par messieurs Mimard et Blanchon. Mais pour connus qu’ils soient, ces pistolets à répétition manuelle ne sont que des améliorations d’inventions plus anciennes et moins abouties. C’est la cas du Renovator, dont les premiers brevets déposes en 1889, poursuivent leur évolution jusqu’en 1897.

Le Renovator de Rouchouse

L’inventeur stéphanois Jacques Rouchouse, a choisi un nom bien dans le goût de I’époque pour cette arme ingénieuse composée d’un bâti fixe, solidaire d’un canon foré au calibre de 6 mm. Le levier palmaire situe à I’arrière est articule au bas de la carcasse, et sa partie haute est fixée à la culasse, de forme arrondie, qui contient le percuteur et I’extracteur à son extrémité. Une grande portière, pivotant sur le côté gauche, permet le chargement des six cartouches a percussion centrale que I’arme peut contenir. Un levier, qu’il faut abaisser manuellement, assure I’effacement de l’élévateur interne, un petit bouton de sécurité surmonte le tout. Du côte droit on trouve un éjecteur coulissant dans un orifice vertical contenant un ressort. Le tir, abaisse ce dernier, qui remonte violemment lors du relâchement de la pression de la paume de la main. La fenêtre d’éjection quant à elle, reste béante en permanence, permettant ainsi de juger de l’état d’approvisionnement en munitions. 

Les deux plaquettes de crosse sont en ébonite jaune moulée; elles portent les marquages RENOVATOR pour l’une et MEDAILLE pour I’autre, au milieu d’un décor de feuillages. Le côte droit de la carcasse porte la marquage : J.R. Bte SGDG FRANCE et ETRANGER. Le dessus du canon est gravé du nom de L.JOURJON qui est probablement le revendeur officiel, le numéro 15 figure sur les pièces maîtresses. Jacques Rouchouse connaîtra une certaine renommée grâce a son « Merveilleux » qui sera diffusé, modestement, sans jamais avoir été breveté. Par contre, le Renovator, qui le précédait va rapidement tomber dans l’oubli et ne sera fabriqué qu’à très peu d’exemplaires, souvent différents dans les détails l’un de l’autre. Un mode de fonctionnement complexe, une utilisation délicate et peu commode, il suffit pour cela de tenter la douloureuse expérience du chargement de I’arme, et un aspect quelque peu archaïque, sont probablement I’explication de ce fiasco commercial. Le Renovator n’en reste pas moins un bel essai, presque un prototype, chaînon indispensable dans la compréhension de la fulgurante évolution des techniques armurières de la fin du 19ème.

par M. MAGNA